Une condamnation récente d’un père de famille de Haute-Vienne a fait ressurgir un vieux débat sur une pratique très ancienne, j’ai nommé la fessée des enfants. Ce père a été condamné à 500 euros d’amende avec sursis pour une fessée déculottée à son garçon de 9 ans, un jugement ponctuant une procédure initiée par la mère qui recevra pour sa part 150 euros au titre du préjudice moral. Cette condamnation est jugée clémente pour certains observateurs, inique et surréaliste pour d’autres. Que faut-il en penser ? La fessée : pour ou contre ?
Cette question posée en France n’est pas simple car nous sommes dans un pays où la Charte Sociale Européenne n’est pas appliquée. Il y a, en effet, une absence d’interdiction explicite et effective de tous les châtiments corporels. Il faut probablement raison gardée et savoir faire la différence entre une petite fessée et des situations dans lesquelles les enfants sont vraiment battus.
Déjà en 1978 la grande Françoise Dolto, médecin psychanalyste d’enfants, écrivait avec détermination ce qu’elle pensait de cette punition particulière adressée aux enfants. Ecrire sur la fessée vingt cinq ans plus tard remet à l’ordre du jour les problèmes de la violence faite aux enfants par leurs parents qui perdent patience, qui s’énervent et qui ne se contrôlent plus en privé comme en public. Que penser en effet de cette mère, attendant un enfant de 10 ans à la sortie d’une école primaire et hurlant et tapant sur la plus jeune de 3 ans qui déambule et qui ne respecte pas ses ordres et ses interdits ? Que dire du silence des autres parents observateurs de cette scène rejouée régulièrement à chaque sortie d’école ?
Dépassés par les événements et par le dynamisme de leurs enfants, les jeunes parents d’aujourd’hui ne sont pas plus équilibrés que ceux des générations précédentes.
Ils se laissent aller à la violence et à la brutalité et, en 2013 comme en 1978, la fessée est surtout le signe d’un échec relationnel, d’une impuissance réelle ou imaginaire, d’un désarroi réel, d’une rivalité fraternelle ou d’un conflit dans le couple.
Une fessée est une violence qui met en acte des choses enfouies depuis longtemps chez les parents. C’est un acte non maîtrisé et non symbolisé. Le parent passant à l’acte n’a aucun souvenir de ce qu’il a oublié et refoulé et ne fait que le traduire en actes. Il s’agit le plus souvent d’une répétition qui se substitue au souvenir. L’enfant victime de cette violence sera marqué à jamais tant sur le plan physique que psychologique. Mais il y a d’autres dimensions encore plus importantes qui sont celles relevant du sociologique. En effet la fessée prend une toute autre dimension quand elle est donnée en public.
Donc mon conseil premier est d’éviter de donner des fessées à vos enfants et assurément jamais en public, dans la rue ou devant l’école.
Quelle que soit votre conception de l’éducation, la politique du bâton et de la carotte, pardon de la fessée et du cadeau, doit vous faire admettre que les punitions corporelles sont inacceptables et qu’il faut donc exprimer votre exaspération sur un autre mode. Françoise Dolto proposait pour le lieu familial l’existence d’un coussin dans une pièce différente de la chambre de l’enfant. Le parent désespéré pouvait ainsi quitter ce lieu du conflit et exprimer sa hargne et sa colère sur le coussin et non sur l’enfant. Entre la fessée et le coussin, à vous de choisir. Reste la question de l’extérieur, de la rue, de l’attente devant les écoles. Il n’y a ici pas de coussin, alors que faire ? A vous de choisir un objet sur lequel vous pourrez porter toute votre énergie (une balle en mousse, un doudou) et dans le pire des cas écouter donc une chanson sur votre iPod ou Smartphone.
Que conclure et comment conclure ? La première chose consiste à ne pas se culpabiliser outre mesure si votre passage à l’acte reste dans un niveau acceptable. La deuxième chose serait d’imaginer que vous pourriez dans l’avenir trouver d’autres façons de gérer cette crise. La troisième enfin pourrait prendre la forme d’une réflexion, avec votre enfant selon son âge, sur le prix à payer pour sa désobéissance ou ses comportements inadaptés. L’idée ici de sanction symbolique doit toujours l’emporter sur les brimades physiques.
Alors chers parents, achetons des coussins, écoutons Brassens, trouvons des sanctions symboliques permettant à l’enfant de se construire et de respecter des limites, prenons sur nous toujours quelques objets transitionnels de gestion de notre colère et câlinons nos enfants !
Florian Sala
Psychologue de formation, Florian Sala a écrit et dirigé 4 ouvrages. Il est également l’auteur de nombreux articles sur ses expériences professionnelles. Ce chercheur éclectique partage son temps entre l’enseignement, la recherche, le conseil aux entreprises et la psychothérapie psychanalytique pour particuliers et professionnels.
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